Threads face à son paradoxe : populaire, mais peu utile aux éditeurs

Entre popularité et utilité réelle, Threads doit encore prouver son rôle dans l’écosystème numérique.

Des progrès, mais un impact limité sur le trafic web

En deux ans d’existence, Threads s’est progressivement imposé comme l’un des rares concurrents crédibles à X, dépassant la barre impressionnante de 350 millions d’utilisateurs mensuels selon les chiffres de début d’année. Un succès numérique qui a même poussé Mark Zuckerberg à envisager l’application comme potentiellement le prochain produit à un milliard d’utilisateurs du groupe Meta. Pourtant, ce dynamisme ne se reflète pas encore dans sa capacité à générer du trafic vers des sites tiers — un point stratégique pour les éditeurs et créateurs.

L’enjeu des liens externes : une stratégie fluctuante

Pendant longtemps, la question des liens a suscité bien des débats sur la plateforme. Les utilisateurs réguliers soupçonnaient que Meta minimisait la portée des publications intégrant des liens, allant jusqu’à conseiller de ne les poster qu’en réponse à un message principal. Une réticence confirmée en partie par Adam Mosseri, patron d’Instagram et de Threads, qui admettait l’an passé ne pas valoriser ces contenus : « Nous n’accordons pas beaucoup d’importance aux liens parce que les gens ne les aiment ni ne commentent beaucoup dessus ». Par crainte d’abus et de spam, l’entreprise a longtemps freiné leur mise en avant.

Mais récemment, changement de cap : la firme indique avoir travaillé à une meilleure prise en compte des liens « de qualité », promettant depuis juin une amélioration tangible pour leur classement et ajoutant même des outils analytiques dédiés.

Des chiffres éloquents mais encore timides

Les données partagées par Similarweb et Chartbeat dressent un constat nuancé. Sur l’année écoulée, le trafic sortant depuis Threads a certes plus que doublé (de 24,8 à 51,8 millions de visites entre mai-juin 2023 et 2024), mais cela reste marginal au regard des plus de 115 millions d’utilisateurs quotidiens recensés. Pour donner un ordre de grandeur :

• X (ex-Twitter) représentait encore 1,2% du trafic éditeur en avril 2023.
• Facebook, lui, oscille autour de 2-3% ; Google Discover atteint jusqu’à 14%.
• Threads, malgré sa croissance récente, reste sous le seuil du dixième de pour cent.

Même chez les éditeurs particulièrement actifs sur la plateforme — notamment dans l’actualité politique — la hausse reste peu significative et très inégale selon les acteurs. Plusieurs observateurs comme Lia Haberman relèvent que les habitudes anti-liens ancrées dès le lancement compliquent leur adoption aujourd’hui : « On ne peut pas inverser la tendance du jour au lendemain. »

L’identité incertaine d’une plateforme en quête de sens

À mesure que s’installe ce constat d’ambivalence, une question se pose : quel avenir pour Threads dans l’écosystème social ? Alors que Meta prépare le lancement publicitaire sur la plateforme, l’absence d’une dynamique forte autour du trafic sortant pourrait freiner son attractivité auprès des créateurs ou annonceurs. Surtout dans un contexte où le secteur média subit déjà la concurrence féroce de l’IA générative et l’érosion du référencement classique.

Pour s’affirmer durablement face aux géants historiques, Threads devra clarifier sa mission : simple espace d’échanges ou véritable tremplin vers le web extérieur ? Pour l’instant, beaucoup y voient davantage un « système de suggestions où chacun vient déposer ses doléances… »