Décryptage : la signification des différentes conclusions dans Une bataille après l’autre

Image d'illustration. One Battle After AnotherGhoulardi Film Company / PR-ADN
L’enchaînement des batailles et la façon dont chacune se conclut suscitent souvent interrogations et analyses. Retour sur les dénouements successifs de ces affrontements, avec un éclairage sur leurs implications et le sens à leur accorder.
Tl;dr
- Épopée révolutionnaire, famille déchirée, quête identitaire intense.
- Violence et satire autour du Christmas Adventurers’ Club.
- Final ouvert : héritage et espoir pour la nouvelle génération.
Une fresque explosive signée Paul Thomas Anderson
Difficile de résumer un film aussi foisonnant que Une bataille après l’autre. Pourtant, tout commence sur les chapeaux de roues : une attaque spectaculaire menée par le groupe révolutionnaire américain des French 75, près de la frontière américano-mexicaine. Sous la houlette de l’intrépide Perfidia Beverly Hills (Teyana Taylor), les détenus immigrés sont libérés lors d’un assaut qui brouille allègrement les frontières entre le thriller politique et la comédie d’action. Mais l’échappée ne tarde pas à virer à l’obsession lorsque le militaire tourmenté Steven J. Lockjaw (Sean Penn) croise la route de Perfidia et se lance à ses trousses.
Après une succession d’opérations audacieuses — braquages de banques, attentats contre des bureaux politiques désaffectés —, Perfidia se retrouve enceinte, la paternité flottant entre Lockjaw et son compagnon révolutionnaire Pat (Leonardo DiCaprio). Minée par une profonde dépression post-partum, elle trahit finalement les siens en échange d’une protection judiciaire orchestrée par Lockjaw. Cette trahison bouleversera durablement sa famille.
L’héritage de la lutte : entre transmission et désillusion
Seize ans s’écoulent. Pat, désormais sous l’identité de Bob Ferguson, élève sa fille Willa dans un climat permanent de paranoïa à Baktan Cross, sanctuaire pour immigrés clandestins. Le passé ressurgit violemment lorsque Lockjaw, promu colonel et candidat à l’infâme Christmas Adventurers’ Club, déclenche un raid brutal afin de mettre la main sur sa potentielle fille cachée.
La traque s’intensifie au fil de séquences haletantes — mention spéciale au sensei Sergio St. Carlos (Benicio del Toro). À l’issue d’un test ADN réalisé dans une église assiégée, Lockjaw découvre qu’il est bien le père de Willa. Son appartenance à un cercle suprémaciste ne lui laisse d’autre choix que d’ordonner sa disparition. Mais le destin bascule : Willa s’échappe grâce au revirement inattendu du chasseur Avanti.
Sous le vernis du cynisme, une étincelle d’espoir
Il serait réducteur de voir dans ce film uniquement une charge contre l’extrême droite américaine et ses dérives. La lettre laissée par Perfidia à sa fille — émouvante confession sur ses propres failles — rappelle que même ceux qui trahissent peuvent transmettre un désir profond de justice. C’est sans doute là la vraie victoire : voir Willa partir rejoindre les manifestants à Oakland, prête à écrire son propre chapitre.
Pour saisir la complexité du propos, il faut aussi souligner comment Anderson juxtapose deux mondes :
- D’un côté, la froideur calculatrice des membres du Christmas Adventurers’ Club : vestes matelassées ternes, bureaux aseptisés.
- De l’autre, Bob et Willa baignant dans les couleurs chaudes d’un foyer où subsistent rires et tendresse malgré tout.
Une fin ouverte pour questionner notre époque
Interrogé sur cette conclusion sans véritable résolution, Paul Thomas Anderson avoue préférer l’émotion brute aux grandes morales appuyées : « On ne peut pas embrasser tout le monde… Il y a là une victoire silencieuse, mais réelle : celle de transmettre malgré nos faiblesses. » Ce souffle inachevé donne au film une saveur rare : celle d’une révolution perpétuelle, portée par les générations qui se lèvent — même lorsque tout semble perdu.
Au-delà du tumulte scénaristique ou des controverses liées au tournage à Sacramento (évacuation forcée d’une communauté précaire), c’est bien cet héritage vivant qui retient l’attention : un passage de témoin fragile, mais indéniablement porteur d’espoir.