Ce film d’horreur polémique des années 70 figure parmi les œuvres les plus provocantes du cinéma

Image d'illustration. The DevilsWarner Bros. Pictures / PR-ADN
Sorti dans les années 1970, ce film d’horreur a marqué les esprits par son audace et ses scènes choquantes. Toujours discuté aujourd’hui, il s’impose comme une œuvre emblématique et dérangeante du cinéma provocateur de l’époque.
Tl;dr
- « The Devils » : chef-d’œuvre controversé et censuré.
- Le film dénonce religion, sexualité et pouvoir politique.
- Aucune restauration complète ni sortie physique décente à ce jour.
Un chef-d’œuvre subversif longtemps relégué dans l’ombre
Difficile d’imaginer aujourd’hui que, la même année où Warner Bros. créait la tempête avec « A Clockwork Orange », un autre film tout aussi sulfureux — mais largement ignoré — voyait le jour. Car si le scandale entourant le long-métrage de Stanley Kubrick a mené à son interdiction au Royaume-Uni pendant plus de 26 ans, il en est un qui, malgré une aura tout aussi dérangeante, n’a jamais bénéficié d’une réhabilitation digne de ce nom : « The Devils » de Ken Russell.
Loudun, théâtre d’hystérie collective et de manipulation
Adaptant librement l’essai d’Aldous Huxley, « The Devils of Loudun », ainsi que la pièce de John Whiting, Russell plonge le spectateur au cœur du XVIIe siècle français, où s’entrecroisent passion religieuse, dérives politiques et désirs inavoués. Le scénario s’appuie sur l’histoire authentique du prêtre catholique Urbain Grandier (Oliver Reed) accusé par une communauté de religieuses, emmenée par la tourmentée Sœur Jeanne des Anges (Vanessa Redgrave), d’avoir favorisé une possession démoniaque. Sur fond d’épidémie et de murs rongés par la peste, cette fresque éclaire sans concession les mécanismes de l’accusation collective et du pouvoir ecclésiastique.
Ce qui frappe ici, c’est moins une attaque contre la religion qu’un démontage méthodique des hypocrisies institutionnelles. Les séquences expressionnistes signées par le chef décorateur Derek Jarman, les échos visuels à « Black Narcissus » ou « Metropolis », confèrent à ce drame psychologique une identité visuelle incomparable.
Censure persistante et absence criante de restauration
Malgré sa force plastique et son audace narrative, « The Devils » demeure prisonnier des limbes de la censure. Interdit lors de sa sortie tant au Royaume-Uni qu’aux États-Unis (classification X), le film a vu disparaître deux séquences clés – dont l’iconique « R*** of Christ » restituée partiellement grâce aux efforts du critique Mark Kermode. À ce jour, aucune édition intégrale n’existe sur support physique en Amérique du Nord ; seule une version tronquée subsiste via un DVD édité par le British Film Institute.
Voici ce qui rend cette situation aberrante :
- L’accès au film reste sporadique sur les plateformes comme Criterion Channel ou Shudder.
- Aucune restauration 4K comparable à celle accordée à « A Clockwork Orange ».
- L’œuvre demeure absente des collections patrimoniales majeures.
L’urgence d’une réhabilitation culturelle
Alors que certains clins d’œil à Loudun surgissent jusque dans les blockbusters récents — oui, même dans une suite improbable de « Space Jam » — on s’étonne qu’une telle œuvre visionnaire ne soit pas confiée aux soins experts d’une maison comme Criterion ou Arrow Video. Offrir enfin à ce film transgressif la place qui lui revient serait bien plus qu’un simple geste éditorial : c’est une reconnaissance attendue envers un pan oublié du patrimoine cinématographique des années 1970.