Le film culte des années 70 qui a relancé la carrière d’Akira Kurosawa

Image d'illustration. Dersou OuzalaMosfilm / PR-ADN
Dans les années 1970, alors que la carrière d’Akira Kurosawa connaissait un passage difficile, un film marquant est venu relancer sa renommée internationale et lui a permis de retrouver la reconnaissance critique et publique.
Tl;dr
- Kurosawa échoue avec « Dodes’ka-Den » en 1971.
 - Le tournage de « Dersu Uzala » relance sa carrière.
 - « Dersu Uzala » mêle amitié, survie et tragédie.
 
Un échec cuisant avant la renaissance
En 1971, Akira Kurosawa tente de bousculer les codes du cinéma japonais avec « Dodes’ka-Den », un film coloré, tourné en seulement 28 jours et porté par l’ambition de montrer que l’audace pouvait compenser le manque de moyens. Mais le public japonais ne suit pas. Le film se solde par un échec commercial retentissant et des critiques très dures. Pour ce cinéaste majeur, ce revers n’est pas anodin : privé de financements pour de nouveaux projets, il s’enfonce dans une profonde dépression jusqu’à remettre en question sa propre valeur d’artiste. L’homme ira jusqu’à tenter de mettre fin à ses jours.
L’appel venu de Russie : un nouveau souffle
La lumière revient pourtant d’un horizon inattendu. Sollicité par Mosfilm, la grande société soviétique, pour adapter le récit mémoriel de Vladimir Klavdiyevich Arsenyev, Kurosawa saisit cette opportunité. « Dersu Uzala », tiré du témoignage d’un explorateur russe fasciné par la taïga et son guide autochtone, passionnait Kurosawa depuis longtemps. En 1975, il s’envole donc pour la Sibérie, où il retrouve la flamme créative qui lui avait tant manqué. Cette expérience hors du Japon lui offre une liberté artistique totale : chaque plan, chaque silence traduit son engagement retrouvé.
Dersu Uzala : chronique d’une amitié bouleversante
Au cœur de ce film — unanimement salué — bat l’histoire singulière entre l’explorateur Arsenyev (interprété par Yury Solomin) et le trappeur Dersu (campé par Maxim Munzuk). Perdus dans les confins glacés du nord russe, ils doivent leur survie à la générosité et aux connaissances infinies du vieux Dersu. Ce dernier partage tout, répare les abris abandonnés pour d’éventuels voyageurs, ou enseigne à laisser des vivres pour autrui. À travers une scène marquante où ils construisent à la hâte un abri contre la tempête de neige imminente, le spectateur mesure toute la bienveillance – mais aussi la précarité – qui unit ces deux hommes.
Pour rendre compte de la richesse humaine du personnage de Dersu, voici quelques traits essentiels :
- Sagesse stoïque, presque légendaire.
 - Générosité instinctive, envers tous ceux qui croisent sa route.
 - Sens aigu du sacrifice, jusqu’au bout.
 
Une fin douce-amère et l’héritage Kurosawa
Cinq ans après leur première aventure commune, Arsenyev retrouve un Dersu affaibli : sa vue baisse, ses réflexes trahissent l’âge. Après avoir sauvé une fois encore son ami au péril de sa vie, il rejoint la ville… où il dépérit peu à peu. L’image saisissante d’un homme replié sur lui-même dans un coin d’appartement témoigne douloureusement de ce déracinement.
Cette œuvre n’a pas seulement permis à Kurosawa de retrouver confiance et succès ; elle a aussi prouvé qu’il restait une voix incontournable du cinéma mondial — prélude aux chefs-d’œuvre comme « Kagemusha » ou « Ran ». Avec « Dersu Uzala », c’est autant un hommage à l’amitié qu’une confession intime sur l’art et la résilience que signe le maître japonais.