Guillermo Del Toro revisite la fin de Frankenstein : évolution d’une tragédie culte de l’horreur

Image d'illustration. FrankensteinNetflix / PR-ADN
L’adaptation de Frankenstein par Guillermo Del Toro propose une relecture du chef-d’œuvre horrifique, dévoilant une conclusion repensée. Ce final explore l’évolution du mythe et la manière dont Del Toro revisite les thèmes tragiques du récit original.
Tl;dr
- Del Toro adapte Frankenstein en explorant la paternité toxique.
- Le monstre devient plus innocent, la fin plus optimiste.
- Réconciliation et pardon remplacent la tragédie du roman original.
Un nouveau regard sur Frankenstein signé del Toro
Voilà un film qui risque de dérouter les inconditionnels du roman gothique de Mary Shelley. Dans son adaptation très personnelle, Guillermo del Toro revisite le mythe de Frankenstein en y insufflant une dimension profondément autobiographique, tout en bouleversant nombre d’éléments centraux. À l’écran, le docteur Frankenstein — incarné par Oscar Isaac — n’est plus seulement un scientifique dépassé par sa création : il porte désormais les stigmates d’une enfance marquée par la maltraitance paternelle.
Paternité toxique et filiation réinventée
Ce point de départ n’est pas anodin. Dans une récente intervention lors du Toronto International Film Festival, Guillermo del Toro expliquait vouloir faire du film une œuvre « aussi douloureuse et aussi personnelle pour moi qu’elle le fut pour [Shelley] ». On devine ici l’écho aux blessures de l’autrice, dont la propre vie fut marquée par le deuil maternel et l’abandon paternel. Chez Shelley comme chez del Toro, le cœur du récit bat autour de la relation père-enfant : négligence, absence, mais aussi espoir ténu d’une réconciliation.
En replaçant ce drame familial au centre de son adaptation, le cinéaste mexicain fait du docteur Frankenstein un « père indigne » qui reproduit à son tour les violences subies. Il ne fuit plus sa créature par peur, mais par dégoût égoïste ; il l’enchaîne, l’humilie, tente même de la brûler — autant d’actes soulignant la mécanique tragique des cycles d’abus.
L’humanité retrouvée du monstre
Toutefois, là où le roman mettait lentement à nu la sensibilité de la créature, del Toro choisit d’en faire dès le départ un être touchant par son innocence — presque enfantin sous les traits de Jacob Elordi. Ce choix radical retire certes au personnage une part de sa complexité originelle, mais recentre le propos : c’est bien le docteur qui demeure la figure la plus tourmentée, celle dont le parcours moral intrigue.
La question centrale n’est plus tant « peut-on pardonner au monstre ses crimes ? » (il en commet peu ici) que « le père indigne peut-il se racheter ? ». D’ailleurs, voici ce que propose réellement cette nouvelle version :
- Pardon : Un geste sincère du docteur envers sa création.
- Soulagement : Le monstre obtient enfin une forme de paix intérieure.
- Espoir collectif : L’équipage d’Anderson accepte son aide pour survivre.
Quand l’apaisement remplace la tragédie
Dans ses dernières minutes, le film offre ce que ni Shelley ni les adaptations précédentes n’avaient osé : une issue empreinte d’apaisement. Le monstre n’est plus condamné à l’exil ou à l’autodestruction ; il découvre une chaleur humaine inattendue et sauve ceux qui croyaient devoir se méfier de lui. Au fond, après deux siècles passés dans un cycle narratif désespéré, cette créature trouve enfin un avenir possible — preuve que certains récits méritaient bien une réinvention à hauteur d’homme.