Ce qui distingue le Victor Frankenstein d’Oscar Isaac de toutes les incarnations précédentes

Image d'illustration. FrankensteinNetflix / PR-ADN
Oscar Isaac incarne Victor Frankenstein dans une nouvelle adaptation, apportant une dimension inédite au personnage. Sa performance promet de distinguer cette version des précédentes, offrant une interprétation qui pourrait marquer l’histoire du célèbre savant.
Tl;dr
- Del Toro fait de Victor Frankenstein le vrai monstre.
- Aucune sympathie pour Victor, narcissisme et abus mis à nu.
- Oscar Isaac incarne un Victor inédit, sombre et toxique.
Une vision radicale du mythe Frankenstein
Depuis plus de deux siècles, Victor Frankenstein fascine et interroge. Mais rares sont les adaptations à avoir osé pousser la réflexion jusqu’au bout : et si le véritable monstre n’était autre que ce créateur lui-même ? En s’emparant du roman de Mary Shelley, Guillermo del Toro propose aujourd’hui une lecture qui tranche nettement avec la tradition cinématographique. Oubliée l’image du génie torturé ou du héros tragique : sous les traits d’Oscar Isaac, Victor n’est plus qu’un individu égocentrique, incapable d’empathie, dont le narcissisme dévastateur prend toute la lumière.
Un portrait glaçant, sans concession
Le film ne tente jamais de sauver Victor ou d’expliquer ses actes par une simple ambition scientifique. Au contraire : alors que son frère William (Felix Kammerer) et Elizabeth (Mia Goth) incarnent des figures bien plus humaines, ce « père » impossible accumule erreurs et manipulations. La comparaison avec sa créature (Jacob Elordi) ne fait que renforcer l’évidence : c’est bien l’homme qui est ici monstrueux. L’abus paternel, la reproduction des schémas familiaux destructeurs — hérités d’un père tyrannique (Charles Dance) — s’inscrivent au cœur du récit. Tout, jusqu’à sa relation obsessionnelle envers Elizabeth, souligne ce cercle vicieux où l’amour devient possession.
Victor Frankenstein, le nombril du monde
Il serait tentant de croire que Victor cherche avant tout à vaincre la mort ou repousser les frontières de la science. Mais au fond, tout tourne autour de lui-même — et surtout du manque laissé par une mère disparue (également campée par Mia Goth). Les tentatives désespérées de combler ce vide n’aboutissent qu’à un repli sur soi maladif : « Cela n’a jamais concerné que moi-même », semble-t-il clamer à chaque scène. Peu importe l’éthique, peu importent les conséquences ; seul compte son propre reflet dans l’histoire.
Voici en quelques points comment cette réinterprétation cinématographique renouvelle le mythe :
- Narcissisme exacerbé : Victor n’agit jamais pour autrui.
- Absence totale de remords : ses fautes restent impunies jusqu’au bout.
- Mise en abyme littéraire : Del Toro glisse même une citation finale signée Lord Byron – clin d’œil au cercle intime et tumultueux où naquit le texte originel.
Derrière le mythe, une relecture moderne
À travers son film désormais disponible sur Netflix, Guillermo del Toro redonne à Frankenstein sa dimension éminemment contemporaine : celle d’un récit où les véritables monstres portent souvent visage humain. Une relecture qui rend justice à la lucidité visionnaire de Mary Shelley, elle-même entourée d’hommes dont la noirceur a nourri son imaginaire. C’est peut-être là que réside toute la force de cette adaptation : inviter à regarder en face ce que beaucoup se sont contentés d’esquiver jusque-là.