Caligula : le scandale éternel du cinéma
Entre scènes explicites et conflits en coulisses, Caligula est devenu un film interdit dans plusieurs pays.
Tl;dr
- Caligula a connu un tournage chaotique avec conflits, départs d’acteurs et ajouts pornographiques non autorisés.
- Le film a été censuré dans plusieurs pays et interdit en Australie jusqu’en 2021.
- Aujourd’hui, Caligula reste un film sulfureux, critiqué pour sa dépravation et objet de fascination cinéphile.
Un film à la réputation sulfureuse
Difficile d’évoquer le cinéma transgressif sans s’arrêter sur Caligula, sorti en 1979. Dès sa genèse, ce projet mêlant ambitions artistiques et scandale a cristallisé toutes les tensions. Imaginé avec des acteurs de renom tels que John Gielgud, Peter O’Toole et surtout un Malcolm McDowell tout juste sorti d’Orange mécanique, le long-métrage semblait taillé pour marquer les esprits. Mais derrière cette façade prestigieuse, l’œuvre s’enfonce rapidement dans une spirale de chaos créatif.
Derrière la caméra : conflits et excès
En coulisses, le tournage vire au cauchemar. Le scénariste Gore Vidal, payé grassement mais furieux des ajouts pornographiques orchestrés sans son aval, exige que son nom disparaisse du générique. Même démarche du côté du réalisateur Tinto Brass, écarté brutalement par le producteur Bob Guccione — patron du sulfureux magazine Penthouse — qui fait filmer en secret plusieurs scènes de sexe explicite pour relever d’un cran la provocation. À force de montages successifs, le film finit par ne plus avoir d’éditeur officiel. Au casting, certains refusent ou fuient l’aventure : citons le refus d’Orson Welles, pourtant appâté par un cachet colossal, ou le départ de Maria Schneider, choquée par la teneur sexuelle du scénario.
Censure internationale et héritage trouble
La sortie n’a rien arrangé. L’accumulation de scènes osées expose Caligula à la censure dans plusieurs villes américaines et à une interdiction prolongée en Australie – jusqu’en 2021 ! Si quelques versions expurgées circulent (de 102 à 156 minutes), la plus extrême laisse une empreinte durable dans l’imaginaire collectif. Ce parcours mouvementé inspire toute une vague de contrefaçons douteuses :
- The Gestapo’s Last Orgy, retitré Caligula Reincarnated as Hitler ;
- Caligula… The Untold Story, avec David Cain Haughton ;
- et même une comédie débridée signée Bruno Corbucci, recyclant les décors originaux.
Pour autant, aucun des protagonistes majeurs ne défendra vraiment ce qui est devenu une curiosité cinéphile presque honteuse.
L’œuvre aujourd’hui : chaos toujours vivant ?
À l’écran, l’expérience s’avère… éprouvante. En voulant dénoncer la folie du pouvoir absolu via la figure de l’empereur romain — thème pourtant intemporel — « Caligula » se perd sous un flot ininterrompu de scènes sexuelles et violentes. Les critiques ne mâchent pas leurs mots : pour Roger Ebert, qui quitte la salle après près de trois heures, il s’agit d’« une expérience agressivement dépravée ». Malgré tout, en 2023, le producteur-historien Thomas Negovan tente un ultime sauvetage avec un nouveau montage rendant justice au scénario initial — sans convaincre totalement pour autant. Aujourd’hui encore absent des plateformes de streaming, Caligula continue d’alimenter mythes et fantasmes parmi les amateurs d’objets filmiques non identifiés.