Michael Mann : l’ingéniosité au service de l’adaptation du Dernier des Mohicans

Image d'illustration. Le Dernier des MohicansMorgan Creek Productions / PR-ADN
Pour adapter "Le Dernier des Mohicans", Michael Mann a dû faire preuve d’ingéniosité, surmontant les défis liés à la transposition du roman culte au cinéma, tout en respectant l’essence de l’œuvre originale et les attentes du public moderne.
Tl;dr
- Le film de Michael Mann réinvente un roman controversé.
- Le mythe de « dernier Mohican » est historiquement faux.
- Les voix autochtones demandent de nouvelles adaptations fidèles.
Un roman controversé revisité par Hollywood
L’œuvre originale, « The Last of the Mohicans » écrite par James Fenimore Cooper en 1826, a fasciné et agacé des générations de lecteurs et d’adaptateurs. Si l’on se fie à l’écrivain américain, son héros Natty Bumppo, homme blanc élevé par les Amérindiens, traverse le tumulte du XVIIIe siècle dans une fresque pleine d’aventures. Pourtant, la crédibilité historique du récit laisse perplexe. Le titre même constitue une falsification : les Mohicans existent bel et bien encore aujourd’hui. Selon Hugh MacDougall, fondateur de la James Fenimore Cooper Society, Cooper savait que ce peuple n’avait pas disparu, mais le mythe du « dernier Mohican » s’est imposé dans l’imaginaire collectif.
L’adaptation selon Michael Mann : entre fidélité et réinvention
Lorsque Michael Mann, connu pour « Heat » ou « Miami Vice », décide au début des années 1990 d’adapter ce classique pour le cinéma, il ne cache pas ses doutes quant à la valeur littéraire du roman. Pour rendre justice à la période historique, il s’appuie sur le journal de Bougainville, témoin direct du siège du Fort William Henry en 1757. Sur le tournage en Caroline du Nord, tout est pensé pour l’authenticité : l’acteur principal Daniel Day-Lewis se prépare physiquement comme un trappeur d’époque et les décors sont reconstitués pierre après pierre.
Mann opère des choix narratifs forts :
- Cora devient une héroïne indépendante.
- Le personnage de Magua gagne en complexité.
- Bumppo prend le surnom plus évocateur de « Hawkeye ».
L’héritage discutable d’un mythe tenace
Ce souci du détail suffit-il à effacer les errements idéologiques du texte original ? Les critiques persistent, notamment chez les descendants amérindiens. Ainsi, Molly Miller, présidente de la communauté Stockbridge-Munsee Band of Mohican Indians, déplore avec ironie : « Nous sommes toujours là. » L’universitaire et metteuse en scène Madeline Sayet, elle aussi issue d’une tribu autochtone, regrette qu’une fiction erronée occulte encore la réalité contemporaine des peuples indigènes.
Nouvelles voix et horizons pour Hollywood ?
Alors que de nouveaux projets – comme celui porté par Cary Fukunaga et Nicole Kassell – tentent d’apporter un regard renouvelé sur ce pan de l’histoire américaine, beaucoup espèrent que le cinéma donnera bientôt toute sa place aux écrivains autochtones contemporains. Des romans tels que « There There » de Tommy Orange, ou ceux de Louise Erdrich, attendent leur adaptation pour enfin proposer une vision authentique et vibrante des récits amérindiens – loin des fantasmes forgés par Cooper.
Si Mann a su transformer un « potboiler » colonialiste en fresque spectaculaire, il reste que seules les histoires racontées par ceux qui les vivent peuvent mettre fin au règne des mythes.