TikTok : les modérateurs suppriment les publications des personnes “laides” et pauvres
Afin d'attirer de nouveaux utilisateurs, l'application chinoise a donné comme consigne à ses modérateurs de masquer les publications de profils considérés comme peu attractifs
On reproche souvent aux réseaux sociaux de ne pas présenter le monde comme il est, mais seulement par morceaux choisis. Des “influenceuses” brisent régulièrement le tabou de l’apparence, expliquent qu’elles s’y prennent à plusieurs reprises pour capturer le cliché parfait, dénoncent la pression de l’exemplarité, la nécessité du maquillage et finalement l’absence de naturel et de spontanéité. Particulièrement influents auprès des jeunes, Instagram et TikTok répandraient ainsi de fausses vérités de personnes en voyage permanent autour du monde, tout sourire car toujours heureux, sans préoccupations économiques et sans problème de confiance en soi — un idéal pour les personnes les plus influençables, mais également un mythe. En 2019, TikTok a été davantage téléchargé que Facebook, Messenger ou Instagram avec 220 millions d’installations et un taux d’adoption 83% plus élevé aux États-Unis que l’année précédente.
Un antécédent en décembre
Développée par le chinois ByteDance, elle a d’ores et déjà fait parler d’elle en décembre car elle limitait la visibilité des contenus d’utilisateurs handicapés. Défendu comme une politique de gestion des risques de harcèlement visant à protéger les utilisateurs les plus vulnérables, c’est-à-dire les personnes défigurées et les handicapés mentaux, notamment les autistes (syndrome de Down), mais également les LGBTIQ+ et personnes en surpoids. Le flux d’actualité de l’application se reposant sur un algorithme, les modérateurs limitait délibérément la diffusion des vidéos de personnes handicapées au pays d’origine de l’utilisateur pour qu’elles n’y apparaissent pas.
Une politique discriminatoire
Une enquête du toujours excellent journal d’investigation The Intercept fait état de la suppression systématique de contenus politiques, diffamatoires envers la police ou la nation chinoise, à travers des documents internes. Ceux-ci permettent également d’établir que les vidéos “montrant la pauvreté rurale, les bidonvilles, les “ventres à bière” et les sourires tordus” étaient supprimées. Selon le journal “un document va jusqu’à demander aux modérateurs de rechercher dans les vidéos des murs fissurés et “décorations douteuses” dans les foyers des utilisateurs — pour punir ces utilisateurs pauvres en réduisant artificiellement leur audience.”