Piratage : la Hadopi s’avoue dépassée et désarmée…
La Hadopi a commandé une étude de l'écosystème des sites pirates, se disant dépassée par l'évolution de ce secteur et aujourd'hui totalement désarmée face à de nouveaux services, très loin des sites de P2P de l'époque...
Dans un récent rapport de la Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet), celle-ci dévoilait les chiffres de sa riposte graduée entre le 1er novembre 2017 et le 31 octobre 2018. Elle décomptait alors 1,3 million de mails d’avertissement, 131 316 de deuxièmes avertissements et environ 2959 cas transmis aux autorités.
La Hadopi démontre une efficacité de façade
On pourrait naturellement penser que ces chiffres sont une démonstration d’efficacité, mais en regardant les condamnations réelles, on s’aperçoit que peu de résultats suivent. Sur les 2959 cas transmis, seuls 1 031 dossiers ont été transmissibles au procureur de la République et à peine 593 décisions de justice ont été prises. On parle notamment de 302 rappels à la loi, 112 classements sans suite et au total seulement 76 condamnations (35 contraventions entre 100 et 1 000 euros, 2 jugements de délit entre 500 et 2 000 euros et 36 ordonnances pénales de 150 à 500 euros).
Au moment de la publication de ces chiffres, la Hadopi se félicitait d’une augmentation des résultats par rapport à l’année précédente et osait même déclarer : « au terme de huit années de pratique, on observe, de façon constante, une absence de réitération dans 60% des cas, à chaque étape de la procédure : sur 10 personnes averties, 6 prennent des mesures pour éviter tout renouvellement d’actes de piratage« . La question que l’on aurait envie de poser à la Hadopi, serait : et sur les 6 personnes prenant des mesures pour éviter tout renouvellement, combien changent de système de piratage ?
La Hadopi se dit dépassée par les pirates
Visiblement, la Hadopi s’est au moins posée la même question, puisqu’elle a commandé une étude à la société de conseil EY (Ernst & Young Advisory) sur l’écosystème du piratage en 2018, ayant compris que le P2P n’était plus la solution privilégiées des pirates, comme au moment de sa création. Entre temps sont apparus : le streaming, le stream-ripping, le téléchargement direct, les débrideurs, l’IPTV via des boîtiers, la technologie décentralisée IPFS ou tout simplement l’utilisation de VPN pour anonymiser sa connexion.
Ha bon, les gens ne passent plus par eMules comme avant ? Dans quel monde vit-on ? C’est probablement la réflexion qu’ont dû se faire les responsables de la Hadopi à la lecture de cette étude. En France, en 2019, environ 55 % des films et 50 % des séries consultés, sont piratées. La question est donc : où sont les 6 internautes sur 10 qui ont compris que la Hadopi veillait, après le second avertissement?
En réalité, les internautes ont creusé la question et utilisent des solutions de téléchargement ou de piratage nettement plus élaborées que dans le passé et 5 % sont même masqués derrière un VPN (un chiffre qui devrait exploser quand ce type d’utilitaires se démocratisera). L’Hadopi change donc de propos quelques mois plus tard, puisque aujourd’hui, Pauline Blassel, secrétaire générale de la Hadopi confie : « Nous sommes assez désarmés face à ces nouveaux services », ajoutant : « Nous aimerions que l’on reconnaisse à la Hadopi un pouvoir de caractérisation de ces sites. C’est une hypocrisie que ces sites pirates puissent être accessibles et toujours pas fermés. Il nous faut informer les consommateurs, impliquer les intermédiaires et faciliter l’office du juge ».
La Hadopi aimerait donc plus de compétences avec un champs de travail élargit, mais il n’est pas sûr que le gouvernement aille dans cette direction, puisque régulièrement le budget de l’autorité connaît quelques coups de vis. Est-ce le début d’un constat d’échec sur cette question, il est difficile de s’attaquer à un problème, quand on a systématiquement un, voire plusieurs trains de retard sur les innovations et que l’on a basé ses sanctions sur un système judiciaire submergé par des cas plus importants.