Clearview AI : l’application de reconnaissance faciale utilisée par des investisseurs et milliardaires
Alors que l'entreprise affirmait ne confier les clés de son application qu'aux forces de l'ordre, ce que l'on savait déjà faux, il apparaît que de multiples personnes y avait accès directement sur leur smartphone.
Big Brother n’est plus si loin à l’ère du big data. La société de collectes de données biométriques Clearview AI a récemment attiré l’attention suite à un piratage qui a permis de dévoiler la liste de ses clients, et ses pratiques sont remises en cause par les défenseurs des libertés civiles. L’entreprise qui n’a rien à envier à Cambridge Analytica a assemblé 3 milliards de photos de visages, notamment à partir de Facebook, Instagram, Google, YouTube, Twitter, Venmo ou LinkedIn, mais s’en défend car selon l’avocat de la société, « votre visage est public » à partir du moment où il es affiché sur Internet. Alors que la société assurait que seules les forces de l’ordre avait accès à son application (notamment au États-Unis, mais aussi au Royaume-Uni et en Australie), on apprenait à la fin du mois de février que des sociétés non liées aux forces de l’ordre étaient clientes de l’entreprise : chaînes de supermarchés, casinos, ligues sportives, banques, FAI ou encore plateforme de vente de tickets de spectacles et concerts.
Des données récoltées à tort et à travers
Grâce au California Consumer Privacy Act (CCPA), sorte de RGPD américain qui ne s’applique qu’en Californie, la journaliste Vice Anna Merlan a effectué une requête d’information sur son profil. Elle y a découvert des photos d’elle, dont une vieille de 15 ans a été récoltée sur MySpace. Pour y avoir accès, Cleaview ne s’embarrassant pas (encore) de noms et prénoms, elle a du fournir une photo d’elle récente et une pièce d’identité valide. Cependant, en vertu du CCPA, elle a pu demander l’effacement de ses données.
Une application liberticide
Là où cela devient terrifiant, c’est lorsque l’on apprend par le NY Times que l’application était également un « jouet » pour certaines célébrités, milliardaires et investisseurs. Selon le journal, le richissime John Catsimatidis en a fait l’usage pour reconnaître l’homme qui avait rendez-vous avec sa fille dans un restaurant, et après avoir sollicité un serveur pour obtenir une photo du couple, a pu faire correspondre son visage avec d’autres récoltés ailleurs sur Internet. Selon l’application, la personne était un homme d’affaire de San Francisco.
L’acteur Ashton Kutcher, devenu investisseur, fait semble-t-il mention de Clearview dans une interview sur YouTube où il déclare (à partir de 14:30) : « J’ai une app sur mon téléphone, dans ma poche en ce moment même, une sorte d’application en phase bêta de reconnaissance faciale. Je peux l’utiliser sur le visage de n’importe qui ici et trouver exactement qui vous êtes, sur quels comptes Internet vous êtes, à quoi vous ressemblez… C’est terrifiant. »