Anthem : l’ambiance délétère du développement à l’origine de l’échec du jeu
Stress extrême, problème de management et mépris entre les deux studios développant le jeu ont conduit à un échec notable pour BioWare. Kotaku publie aujourd'hui une enquête revenant en détails sur ce dernier.
Dans une enquête publiée aujourd’hui, Kotaku rapporte à travers 19 interviews d’employés des studios BioWare les pénibles conditions de travail, l’incompréhension entre staff et managers, la fatigue et le stress chronique qui ont conduit Anthem à écoper d’une note moyenne de 55 sur Metacritic, la plus basse depuis la création de l’entreprise en 1995.
Burn-out et moteur graphique capricieux
La raison principale qui a conduit au développement conjoint d’un jeu par les studios BioWare d’Edmonton au Canada et d’Austin au Texas est semble-t-il le succès de Dragon’s Age: Inquisition, que de nombreux employés regrettent. Derrière un titre de qualité qui a remporté le prix du Jeu de l’année aux Game Awards 2014 se cachaient des difficultés techniques et décisionnelles, conduisant à un développement très dense sur une période d’une année qui entraina déjà des burn-out. Certains employés souhaitaient l’échec commercial du jeu afin de démontrer que ces méthodes de travail nocives ne pouvaient engendrer un succès.
Le développement chaotique d’Anthem ne partait pas ainsi sur des bases saines, et l’utilisation du moteur graphique Frostbite de DICE ne fit qu’enfoncer le clou. En l’absence d’une vue à la troisième personne mais aussi d’un système de sauvegarde-chargement, les équipes de Bioware travaillèrent durement à leur développement, aussi bien pour Dragon Age que pour Mass Effect: Andromeda et Anthem. L’ambition générale du jeu a du être revue à la baisse devant les difficultés rencontrées pendant l’utilisation du Frostbite Engine. Ce dernier avait été imposé à l’ensemble des studios BioWare par Patrick Söderlund afin d’harmoniser les technologies utilisées.
Un manque de vision et des tensions entre studios
En développement pendant sept longues années, Anthem n’est entré en phase de production que sur une période intense de 18 mois. Outre les problèmes rencontrés par les développeurs avec le moteur graphique, la mauvaise communication entre employés et management est également à l’origine de l’échec d’un jeu : ces premiers reprochent un « manque de vision » global, les développeurs se demandant souvent qu’est-ce qui était développé, comment les pièces d’un puzzle dont ils ne voyaient pas l’ensemble pourrait coller. « Je pense que la plupart des membres de l’équipe ne comprenait pas ce qu’était ou devait être le jeu, parce qu’il changeait contamment » explique un ancien développeur de façon anonyme.
La vidéo ci-dessus, soit 7 minutes de gameplay dévoilés lors de l’E3 2017 ne reflétait ainsi aucune le contenu du jeu : celui-ci était alors encore en phase de pré-production. De nombreuses décisions n’avaient encore pas été prises concernant la taille de la carte, l’implémentation du vol et de manière générale, seule une mission avait été écrite dans le jeu. C’est à ce moment que la décision fut prise d’adjoindre les développeurs du studio d’Austin, au Texas à celui d’Edmonton au Canada. Les premiers attendaient du personnel canadien des prises de position fermes sur lesquelles le studio s’appuierait pour développer une vision commune, ce qui créa des tensions.
Parmi les autres raisons évoquées, le personnel de BioWare Austin n’était pas écouté par les personnels dirigeants d’Edmonton, bien que ses membres soient expérimentés, ayant produit le MMO Star Wars: The Old Republic ; une autre serait le clash des cultures entre Edmonton, développeur de jeux solo et Austin, développeur de jeux en ligne.
De manière générale, l’incapacité à prendre des décisions et à donner une forme définitive au jeu a amené à les employés des deux studios à précipiter la production du jeu en seulement 6 à 9 mois selon un employé, causant dépressions, anxiété et effondrements du moral. Dans un billet de blog, BioWare répond aux critiques, se défendant d’une ambiance délétère et arguant que le bien-être de ses salariés est primordial. Kotaku conclue simplement en estimant que chaque lecteur se fera son avis.