Des chercheurs ont réussi à créer un chromosome artificiel de levure
Cette nouvelle avancée scientifique devrait permettre de fabriquer des médicaments rares ou certains vaccins, dont celui contre l'hépatite B
Le directeur de l’Institut des systèmes génétiques au centre médical de Langone de l’Université de New York, Jef Boeke, a de quoi être fier. Son équipe de chercheurs vient en effet de réussir la fabrication complète d’un chromosome de levure. Après sept longues années d’efforts, son équipe internationale de scientifiques a en effet reconstitué un génome de toute pièce, en attachant 273 871 paires de base d’ADN de levure. Un total légèrement inférieur à son équivalent naturel qui en compte 316 667 puisque l’équipe a effectué de nombreuses altérations, retirant ainsi des parties redondantes qui ne sont pas nécessaires pour la reproduction et la croissance du chromosome.
“Notre recherche a fait passer la biologie synthétique de la théorie à la réalité” a indiqué Jef Boeke, selon lui “ces travaux représentent le plus grand pas d’un effort international pour construire le génome complet d’une levure synthétique”. Le chromosome, dit “eucaryote”, a subi de nombreuses modifications avant d’être intégré dans des cellules vivantes de levure de bière, mais ces dernières se sont comportées normalement, elle possédaient même de nouvelles caractéristiques qui n’existent pas dans la levure naturelle. Le scientifique indique que “plus de 50 000 changements dans le code ADN du chromosome” ont été effectués, sans que cela n’altère son bon fonctionnement. “Modifier le génome revient à faire un pari car un changement inapproprié peut tuer la cellule […] notre levure est toujours vivante, ce qui est remarquable. Cela démontre que notre chromosome synthétique est vigoureux, et qu’il confère de nouvelles caractéristiques à la levure.” a affirmé Jef Boeke.
De nombreuses utilisations possibles
Maintenant qu’ils maitrisent cette technique de ré-assemblage de chromosome, les scientifiques indiquent qu’ils vont pouvoir manipuler le génome de la levure afin de lui donner certaines propriétés. Il devrait ainsi être possible de développer de nouvelles variétés synthétiques de levure encore plus performantes. Ces dernières pourraient servir à fabriquer des médicaments rares (médicament anti-paludéen “artémisinine” ou hormone anti-inflammatoire “hydrocortisone” par exemple) ou encore à produire certains vaccins, comme celui contre l’hépatite B qui est dérivé de la levure.
Mais l’utilisation de la levure artificielle pourrait aller encore plus loin. Des levures artificielles à la croissance démultipliée pourraient doper le rendement de la production de biocarburants à base d’alcool. “Maintenant que nous savons mélanger le jeu de cartes du génome, on va regarder si nous pouvons nous constituer une main avec des cartes bien meilleures pour permettre à la levure de survivre dans différentes conditions, à des concentrations d’alcool supérieures par exemple“, explique Jef Boeke.
Un encadrement très strict
En 2012 déjà, la ministre française de la Recherche, Geneviève Fioraso, indiquait que les produits de la biologie de synthèse devraient être bien encadrés, sans en cacher les risques potentiels. Selon Janet Cotter, scientifique spécialiste de la question pour l’ONG Greenpeace, “Dans un espace confiné, dans un laboratoire et à petite échelle, c’est parfait. Pour un usage commercial à échelle industrielle, à l’instar des bio-carburants, alors le problème se pose de contrôler efficacement de tels organismes”
Mais une solution semble déjà toute trouvée pour les scientifiques. En effet, certains d’entre eux envisageraient de programmer l’autodestruction de ces organismes, via un gêne “terminator” qui s’activerait si jamais ils venaient à s’échapper dans l’environnement.